Nous allons aborder les caractéristiques de la communication entre l'homme et l'animal. Nous nous attacherons à en tirer des enseignements sur
notre vie quotidienne. Certains aspects pourront paraître techniques, leur approfondissement sera toutefois de nature à enrichir la relation avec votre chien, et avec les autres. Ces analyses ne
feront que consolider le lien qui vous unit déjà.
Qu'est-ce que la communication ?
Qui dit communication dit message émis et reçu, et chacun sait qu'entre individus de notre espèce, pourtant réputée supérieure, cette transmission de
message connaît pas mal de ratés ! Or nous disposons de la parole, et nous devrions pouvoir assurer des communications très précises ; il n'en est malheureusement rien. Nous pouvons par ailleurs
observer régulièrement que les malentendus entre chiens sont beaucoup plus rares. Certes la variété des messages est sans doute moins grande, mais surtout leurs interprétations sont moins variées.
C'est cette constatation qui sera notre guide lors de nos échanges avec les chiens.
Que peut comprendre le chien ?
Privés de la parole, les chiens sont en revanche des experts en communication corporelle et émotionnelle, qualités que nous ne possédons que trop peu.
Bien sûr, ils nous comprennent lorsque nous leur parlons ! Mais que comprennent-ils exactement ? Peut-être pas si souvent la nature exacte de ce que nous souhaitons leur « dire »… Peut-être parfois
plus, car ils savent déchiffrer nos émotions, que nos mots ont tant de mal à formuler avec précision. C'est la raison pour laquelle une complicité étroite se développe entre eux et nous. En revanche,
si le chien est capable de comparer des situations, des contextes équivalents, et d'anticiper les évènements, aucune communication en référence au passé ou au futur (même proches) ne peut
être analysée, la traduction d'un message sera toujours faite en relation avec l'instant présent. Gardons aussi cela en tête lorsque nous « conversons » avec notre chien.
Les sentiments éprouvés par le chien sont-ils identiques aux nôtres ?
N'oublions pas non plus que l'animal ne nous juge pas, et ne cherche pas de sens caché. Cela, nous le savons, et c'est peut-être ce que nous apprécions même chez
nos compagnons. Alors, rendons-leur le service de nous comporter envers eux de la même façon : limitons les interprétations complexes, les projections de comportement, les sentiments élaborés tels
que la vengeance, la jalousie… Toutes ces constructions abstraites ou distantes dans le temps leur sont étrangères. Il y a toujours d'autres façons de traduire les actions ou postures des
chiens.
Parler ou pas ?
Alors à quoi cela sert-il de leur parler ? Au moins à deux choses certainement. D'abord, nous ne sommes capables d'attitudes et de postures cohérentes qu'avec un
accompagnement verbal. Cela nous aide à synchroniser nos gestes, nos positions corporelles. Entraînez-vous à réprimander un chien sans prononcer un mot, vous vous rendrez compte que votre silence
laisse la place à un dialogue interne, sans lequel vous allez vite cesser tout message… Ensuite, si le chien ne comprend pas les mots, le ton, les variations d'intensité, la répétition régulière de
certains mots constituent autant de repères qu'il va associer au contexte pour en dégager une signification, de plus en plus juste en fonction de sa vivacité d'esprit et de l'intensité des
situations.
Télépathie ?
Première conséquence pratique, la perception de notre état émotionnel, donc souvent de nos intentions, est très rapide, devançant parfois les premières paroles.
D'où notre interprétation (juste !) : « il a tout de suite compris ! ». Mais nous n'allons pas souvent au bout de cette logique : s'il a compris, pourquoi insister, en rajouter, et parler ! Autant
cesser d'émettre des le message s'il a entendu…
Un exemple pratique : le chiot a fait une bêtise, nous entrons dans la pièce bien décidé à le réprimander, et... il le comprend tout de suite. Que fait-il alors
? Il adopte une posture d'apaisement, oreilles et queue basse, tendant à se coucher, parfois exposant son flanc ou son ventre (c'est de l'apaisement, il cherche à faire cesser la situation de
réprimande, ce n'est pas du remords…). En fait, il répond à notre premier message, comme un chiot face à sa mère. Le dialogue est alors terminé pour lui, mais nous, nous désirons lui « expliquer »,
et nous parlons, parlons… Le chien risque alors d'oublier le début de l'interaction, c'est-à-dire le motif de la réprimande, il est submergé par des émotions négatives et par un flot qu'il ne sait
pas arrêter. La mémorisation de la situation réprimée est alors compromise, et l'efficacité de l'apprentissage devient très aléatoire ! Apprenons donc ses messages, et essayons de contrôler nos
réactions afin de lui répondre correctement.
Quand apprend-il à communiquer ?
C'est dans son groupe familial que le jeune chiot va découvrir les codes de communication. La mère y joue bien sûr un rôle primordial, et elle a besoin
d'être calme, rassurée, disponible, pour assurer ce rôle. Elle doit également détenir des informations justes, c'est à dire être capable de communiquer efficacement avec ses congénères et avec
d'autres espèces, homme compris. Les frères et sœurs, compagnons de jeu et de découverte, enrichiront les expériences de l'individu, faciliteront son identification. Les autres chiens adultes,
parents ou pas, enseigneront aussi au jeune les règles de vie dans un groupe de chiens. Enfin, les humains présents permettront aux chiots de s'adapter à des conventions relationnelles
différentes.
Ainsi, le chiot qui bénéficiera d'un environnement riche et dépourvu de menaces aura tous les atouts pour développer les expériences et les apprentissages qui
règleront toute sa vie. Lorsque le chiot arrive dans une famille, il a déjà des acquis essentiels, et le rôle de son nouveau milieu est de prolonger cette formation, en favorisant les contacts et
expériences nouveaux, avec différents individus et différentes espèces. Cette période essentielle d'apprentissage se poursuit jusqu'à six mois environ, et la famille d'adoption du chien doit être
consciente de son rôle éducateur.
Les principaux acquis du chiot sont axés sur les autocontrôles (maîtrise de ses mouvements, et notamment de la morsure), la hiérarchie (organisation sociale),
les comportements d'agression (menace, et arrêt de ces séquences), apaisement (signaux vocaux et posturaux de nature à faire cesser une menace). Le chiot joue beaucoup, procède à des essais, des
tests avec les adultes ; il mémorise ses expériences et s'en sert ensuite, ce qui rend cette phase aussi intéressante que cruciale.
Faut-il materner les chiots ?
Durant les premiers mois de sa vie, le chiot recherche un être occupant la place de sa mère, lui apportant affection, protection et satisfaction alimentaire. Il
est donc naturel qu'il se montre dépendant d'une personne dans le foyer. Cet attachement à un substitut maternel, qui peut être humain ou animal, est absolument nécessaire : le jeune chiot ne pourra
explorer et apprendre son environnement qu'en s'appuyant sur ce repère affectif. Au moment de la puberté, parfois un peu plus tôt, parfois un peu plus tard, il reviendra à cette personne de favoriser
le report de l'attachement sur le groupe complet, dont l'animal deviendra ainsi membre à part entière. Ceci se réalise naturellement, en douceur, en laissant le chien se détacher progressivement,
sans le retenir, et acquérir une autonomie d'adulte.
Lorsque le chien devient adulte (de son point de vue), on prendra garde de ne pas persister à le voir comme un bébé ou un jeune ; cela évitera des contresens
dans l'analyse de ses actes… Ainsi, certains comportement demanderont à être requalifiés : certaines demandes ne constitueront plus une recherche de contexte rassurant, mais lui permettront de
mesurer sa capacité à provoquer les actions des membres du groupe (demandes de câlins, déclenchements de jeux…). Le jeune adulte cherche sa place, son rang dans le groupe, et cela passe par le
pouvoir de diriger ou de devancer ses différents membres dans les interactions quotidiennes.
Le comportement est-il héréditaire ?
Sujet d'actualité avec les chiens dits « dangereux ». Ce sont en réalité des chiens privés d'apprentissages qui sont rendus dangereux. Le pourcentage d'hérédité
du comportement est très difficile à définir avec précision, mais de toutes façons, l'essentiel du comportement s'acquiert. Le rôle essentiel de la mère explique la constance de comportement dans les
races. Une mère bobtail bien dans sa peau, apte à jouer et à réprimander gentiment ses chiots, leur transmettra ce caractère maniable que vous appréciez tous.
Si ces chiens sont aussi appréciés, c'est parce que les sujets utilisés pour la reproduction présentent eux-mêmes les caractéristiques souhaitées, et sont
capables de les transmettre à leur progéniture durant ces 2 premiers mois de la vie si déterminants. La tâche restant dans l'éducation est confiée à des propriétaires attirés par ces mêmes critères
comportementaux, et ils feront tout, de façon réfléchie ou spontanée, pour les entretenir chez le chien. C'est donc en grande partie grâce à ses maîtres qu'un chien a un caractère
apprécié.
Quelques repères pour communiquer plus efficacement
Les mots, les phrases… et tout ce qui les accompagne
Les phrases n'ont pas de sens pour le chien, seul quelques mots seront identifiés comme ayant une signification convenue avec ses maîtres. Leur utilisation
régulière dans des circonstances équivalentes aidera le chien à les identifier. Ainsi le refus, l'encouragement ou l'ordre seront toujours indiqués au chien avec les mêmes mots simples. L'ensemble de
votre comportement (le ton, la posture, les gestes, l'émotion…) constitue en fait l'information que reçoit le chien, et la puissance de cette communication est bien plus grande que celle
des mots. La cohérence entre les postures, le ton, les mots et le sens du message facilite la compréhension par votre chien. C'est ainsi que sont assurées la clarté et la lisibilité de l'information
transmise.
Indiquer qu'on s'adresse au chien
Il est essentiel de capter l'attention du chien lors de la transmission d'un message : il doit le distinguer clairement dans le bruit de fond, et savoir qu'il
s'adresse à lui. Il sera utile de conserver la même manière de le faire dans des situations identiques ou comparables. L'utilisation du nom du chien avant un ordre est une façon spontanée de le
prévenir ; elle n'est pas la seule à votre disposition, différents procédés sonores ou gestuels peuvent enrichir vos ressources (sifflets, claquement de doigts, changements de
tons…).
Rituels et ancrages
Le chien mémorise des situations, associe les enchaînements, et utilise ensuite ces repères pour anticiper les événements. C'est ainsi que se constituent des
rituels, qui deviennent rapidement de véritables codes de communication entre vous et lui. Vous utiliserez l'encouragement pour guider le chien (éventuellement avec un enthousiasme un peu
forcé au début), et la récompense (caresses, félicitations…) lorsqu'il a terminé un acte désiré. C'est la répétition d'un enchaînement d'actions qui va être utilisée dans les apprentissages,
recherché lors du dressage, mais présent dans de nombreuses situations quotidiennes où nous y serons moins attentifs que lui…
Doit-on le punir ?
Lorsque vous désirerez punir le chien, veillez à ce qu'il comprenne bien ce qu'il doit corriger : faites-le immédiatement, si possible dès que vous le voyez
amorcer un comportement répréhensible, faites-le toujours de la même façon (mêmes mots, mêmes attitudes), et chaque fois qu'il le fait. Ainsi punir est assez compliqué à réussir ! Cela demande une
grande constance, et la certitude que le message perçu par le chien est bien celui désiré (il peut n'éviter certaines actions que lorsque vous êtes présents, ou associer votre comportement à un
élément du contexte qui vous a échappé). Préférez les récompenses et les encouragements, les résultats seront plus rapides et plus satisfaisants. Proscrivez la prise par le cou, très agressive pour
le chien, elle sera réservée aux fautes très graves ; substituez plutôt une pression douce et ferme au garrot, le chiot comprendra aussi bien et ne sera pas stressé.
Lisibilité de vos messages et qualité du « dialogue »
Avant que votre chiot ait appris la communication humaine, rendez-vous compréhensible en vous rapprochant de la communication canine
(posturale et non verbale), cela augmentera l'efficacité des messages émis vers le chiot. Observez le chien pendant les interactions, et respectez ses messages, particulièrement ceux
d'apaisement.
Conclusion
En guise de conclusion provisoire, le sujet étant particulièrement riche, nous vous proposons quelques clés à avoir en tête lors de l'éducation d'un chien, quel
que soit son âge :
Aucun chien ne cherche à nuire, au contraire, votre satisfaction sera la récompense de ses actions
Réfléchir au point de vue du chien (sans le sens des phrases, ce qui limite les « explications »), garder les postures, observer celles du chien en réponse, donc
apprendre à se taire
Elaborer une stratégie d'apprentissage : analyser ce que l'on veut lui apprendre, et comment vérifier qu'il l'a appris correctement
Le plus dur : admettre que s'il ne l'a pas appris, c'est que notre méthode est à revoir.
En souhaitant que ces commentaires vous soient utiles au quotidien, autant qu'ils le sont pour nous avec nos chiens...